Mettre à l’épreuve l’acceptabilité sociale

12ème journée de l’atelier Développement durable et “acceptabilité sociale”
Séance spéciale à l’occasion du Forum des 25 ans du réseau Recherche Habitat Logement (ReHaL)

Mercredi 8 juin 2016
10h-17h30

Antenne de l’Université de Cergy(Genevilliers)
ZAC des Barbanniers, Avenue Marcel-Paul 92230 Gennevilliers
RER C (arrêt Gennevilliers)
Programme PDF (avec plan d’accès transports en commun)

Coordinateur de la séance : Jérôme Boissonade [1]

La notion d’acceptabilité sociale a émergé au début des années 2000, soit moins d’une décennie après celle de développement durable. Elles ont connu un succès similaire, une genèse assez proche, une fragilité de leurs fondements théoriques analogue et sont la plupart du temps portées par les mêmes acteurs.
Cette journée souhaite interroger les relations croisées entre ces deux histoires et les évolutions récentes de ces deux catégories de la pratique pour comprendre comment nous sommes passés d’une durabilité consacrée aux besoins essentiels des populations, auxquels les nations unies s’étaient engagées à répondre en 1992, à la volonté actuelle des mêmes acteurs d’aller jusqu’aux limites de ce que les consommateurs, les habitants ou les citoyens, peuvent accepter.
Cette appréhension de l’inacceptable, prise en charge initialement par la psychologie sociale afin de prédire et de changer le comportement des utilisateurs face aux systèmes technologiques[2], a aujourd’hui clairement changé d’échelle. Qu’il s’agisse des conséquences du traitement des informations collectées par la géolocalisation, au rôle éventuel du principe d’équité sur le traitement de la question des effets de serre, en passant par les questions d’accompagnement des publics et de reconnaissance des méthodes de conduite des projet urbains, « l’inacceptabilité » représente une menace qui hante l’action publique, notamment lorsqu’elle s’aventure sur des terrains environnementaux, ou plus largement, quand elle traite de questions susceptibles de relever du développement durable.
Quel rôle a joué la notion de développement durable dans la diffusion de « l’acceptabilité sociale » ? Lors de ces traductions croisées, comment se sont-ils transformés pour irriguer les débats contemporains ?
Si l’on reprend une des définitions récentes de l’acceptabilité sociale, celle-ci est comprise comme « un processus d’évaluation politique d’un projet sociotechnique mettant en interaction une pluralité d’acteurs impliqués à diverses échelles et à partir duquel se construisent progressivement des arrangements et des règles institutionnels reconnus légitimes car cohérents avec la vision du territoire et le modèle de développement privilégiés par les acteurs concernés »[3].
Limitée à la médiation et la résolution de conflits, cette notion relative et floue présuppose pourtant que ce sur quoi elle s’applique est nécessaire, légitime, et est ou sera réalisé[4]. Face aux « verrous comportementaux », la psychologie sociale, l’économie comportementale, les sciences de la communication, les neurosciences ou la science politique sont sollicités pour répondre à « l’impératif écologique » qui nécessite de prendre des décisions publiques dans des « univers controversés »[5]. Cette injonction à la durabilité qui laisse peu de place aux alternatives, légitime les entreprises d’acceptabilité sociale. Pourtant, la « coercition mutuelle »[6] peine à produire une « participation raisonnable »[7]. On assiste aujourd’hui à un retour du réel qui réinterroge le couplage de ces deux notions, qu’il s’agisse de l’effet rebond, des accusations de greenwashing ou des « effets pervers » de solutions « acceptées » par les consommateurs / usagers / habitants / citoyens et se révélant pourtant d’une durabilité bien restreinte.
Les recherches sur la durabilité peuvent-elles travailler la question de “l’acceptabilité sociale” sans pour autant se traduire par une injonction qui gouvernementalise les conduites ? Comment la recherche urbaine peut-elle s’extraire d’une approche normative de l’acceptabilité en termes de standards et de bonnes pratiques, alors même que les formes concrètes du développement durable sont constamment co-construites avec des acteurs publics et privés en demande de modèles transférables ? Dans quelle mesure la question l’instrumentation de ces recherches ne se pose-t-elle pas plus fortement que dans d’autres domaines ? S’agit-il d’investir de manière critique la notion d’acceptabilité et/ou élaborer des notions alternatives ?
L’objectif de cette séance, qui intervient à la suite du dossier éponyme de la revue [VertigO] est de faire le point sur les interactions entre développement durable et acceptabilité sociale et leurs effets sur les acteurs et les situations, avant la séance qui clôturera définitivement l’atelier « Développement durable et acceptabilité sociale », prévue le mercredi 22 juin (séance coordonnée par Jacques Lolive : « Le développement durable à l’épreuve de la société du risque. Stratégies d’acceptation par la durabilité pour métropoles insoutenables ? »).

Les documents et les enregistrements audios de la séance sont directement accessibles depuis le programme ci-dessous
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Matinée (10h – 13h) (dans le cadre du Forum des 25 ans du ReHaL)
Réflexion générale sur les résultats de l’atelier et ses perspectives (présentation en session plénière du forum ReHaL, par leurs animateurs (trices) des travaux menés dans le cadre des différents ateliers).

Après-midi (15h – 17h) (en partenariat avec la revue Vertigo)
Acceptabilité environnementale et acceptabilité urbaine : approches croisées

Discutant : Jérôme Boissonade

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[1] Architecte, Maître de conférences en sociologie à l’Université du Littoral (ULCO) et chercheur de l’UMR LAVUE (équipe AUS).
[2] Jones, R., J. Pykett et M. Whitehead, 2013, Changing Behaviours. On the Rise of the Psychological State, Edward Elgar. Whitehead M. J., 2014, “The experimental citizen. The Psychological State and the Experimental Subject”, Changing Behaviours, 12/06/2014, http://changingbehaviours.wordpress.com/2014/06/12/the-experimental-citizen/
[3] Fortin Marie-José et Fournis Yann, « Vers une définition ascendante de l’acceptabilité sociale : les dynamiques territoriales face aux projets énergétiques au Québec », Natures Sciences Sociétés, 2014/3 Vol. 22, p.234, p. 231-239.
[4] Raufflet, E. 2014, « De l’acceptabilité sociale au développement local résilient », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Volume 14 Numéro 2 | septembre 2014, mis en ligne le 12 septembre 2014, consulté le 02 décembre 2014. URL : http://vertigo.revues.org/15139 ; DOI : 10.4000/vertigo.15139
[5] Un primat de la construction scientifique et sociale des problèmes sur leur perception directe par les individus ; le poids des incertitudes et des controverses scientifiques et sociales sur des aspects du réel qui sont pourtant essentiels pour nous permettre d’agir ; l’importance prise par la question de la représentation distincte des intérêts de tiers qui sont absents de la scène décisionnelle « ici et maintenant » (générations futures, faune, flore,…) ; une présomption d’irréversibilité qui concerne des phénomènes jugés majeurs, ce qui nous empêche d’attendre une stabilisation des savoirs pour agir.
[6] Douglas Mary (1992), De la souillure. Études sur la notion de pollution et de tabou, Paris, La Découverte
7 Barbier Rémi (2002), « La fabrique de l’usager. Le cas de la collecte sélective des déchets », Flux, 2002, n°48-49, p.35-46, p. 37.
[8] Professeur des Universités à l’Institut Français d’Urbanisme, Université de Paris Est Marne La Vallée, Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (LATTS), Champs-sur-Marne
[9] Maître de Conférences en Sociologie, Laboratoire Population Environnement Développement, LPED – Aix-Marseille Université – UMR 151, Centre Saint-Charles – CASE 10
[10] Doctorant en Sciences politiques, Université Lumière Lyon 2

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