Troisième journée de l’atelier Développement durable et “acceptabilité sociale”
Atelier thématique commun au GIS ReHaL et au réseau AC/DD
Vendredi 12 avril 2013
Responsables de la séance : Jérôme Boissonade, Anne-Sarah Socié
Les enregistrements audios sont directement en ligne à partir du programme ci-dessous
Matinée : 10h30 – 13h
- Gérard Dubey (Professeur à l’Institut Mines-telecom – Telecom ecole de Management, dept. Langue et Sciences Humaines). Titre de l’intervention : A la recherche de l’usager perdu : automatisation et normativité technique.
- Régis Lefeuvre et Andreea Ernst-Vintila (Maîtres de conférence au Laboratoire de Psychologie C2S (Cognition, Santé, Socialisation) à l’université de Reims Champagne-Ardenne). Titre de l’intervention : Comment penser et mesurer l’acceptabilité sociale des politiques et dispositifs de développement durable ? Les atouts de la psychologie sociale.
Commentaires de François Ménard – Questions et réflexions de la salle – Réponse de Gérard Dubey – Réponses de Régis Lefeuvre et Andreea Ernst-Vintila
Après-midi : 14h – 16h30
- Guillaume Faburel (Professeur à l’Institut d’Urbanisme de Lyon – Université Lumière Lyon 2, UMR Triangle – CNRS, Ecole Normale Supérieure, IEP Lyon) titre de l’intervention : L’impensé habitant du développement durable : pour d’autres acceptions de l’acceptabilité sociale.
- Bernard Perret (Ingénieur, socio-économiste au Conseil Général de l’environnement et du développement durable, enseignant à l’Institut catholique de Paris, membre du comité de rédaction de la revue Esprit). Titre de l’intervention : Le développement durable en tant que nouveau cadre de rationalité.
Commentaires de François Ménard – Questions et réflexions de la salle – Réponse de Guillaume Faburel – Réponse de Bernard Perret
Discutant
- François Ménard (responsable de programmes de recherche au Plan Urbanisme Construction Architecture dans les domaines de l’habitat, de l’énergie et de la ville durable).
Après avoir travaillé les implications de la notion d’acceptabilité sociale sur la conception et sur l’appropriation de la ville durable, nous nous attachons dans cette ultime séance de la première année de l’atelier, au travail des chercheurs s’intéressant au développement durable, et qui travaillent sur ou avec cette notion d’acceptabilité sociale. Cette dernière a en effet été élaborée dans un but prescriptif et repose sur des considérations fortement normatives portées notamment au niveau institutionnel. Toute démarche urbanistique ou architecturale est par nature prescriptive. Néanmoins, le développement durable induit une prescription “morale” qui modifie les échelles de valeurs dans les représentations du bien-vivre ; et une injonction à l’engagement des populations que l’on traduit par exemple à l’aide des termes d’éco-citoyenneté, éco-habitants, etc. C’est dans ce cadre que les travaux de recherche insistent “autant sur l’importance, […] de lever les « verrous » de l’usage que de lever les « verrous » technologiques”[18]. Cet implicite est présenté le plus souvent comme une évidence, pourtant, “avec les techniques d’acceptabilité, on a franchi un nouveau pas : il s’agit d’anticiper ce qui peut être toléré. La question n’est plus celle des besoins ni des envies, mais de savoir ce que les consommateurs, ou les citoyens, ne vont pas supporter”[19].
Dans ce contexte, quelles sont les conséquences spécifiques d’une acceptabilité liée au développement et à la durabilité sur les travaux de recherche ? Quels peuvent-être alors, les rôles des chercheurs et les objectifs qu’ils se donnent ? Dans quelle mesure la question l’instrumentation de ces recherches ne se pose-t-elle pas plus fortement que dans d’autres domaines ?
La raison d’être de la notion d’acceptabilité sociale provient des blocages rencontrés par le développement durable et cette notion est un instrument qui vise une acceptation par les publics auxquelles elle s’adresse. On peut donc considérer cette notion comme un analyseur potentiel de ces blocages.
Enfin, si l’on considère l’acceptation comme un acte, provenant de publics qui au départ étaient “réticents”, on peut d’une part, s’intéresser à la capacité du développement durable à produire des appuis en termes de récits et de justifications. D’autre part, on peut mettre en regard ces justifications avec la part de concession que comporte ce consentement. Une telle démarche permet d’abord de comprendre de quoi relèvent ces appuis liés au développement durable dans cet acte d’acceptation. Elle permet ensuite, de comprendre en quoi l’acte même d’acceptation “fait sens” pour les acteurs. Le développement durable devient un support de projection qui permet une structuration des situations et leur dépassement lorsqu’elles sont problématiques.
Alors que les mondes de la recherche et de l’expertise s’inscrivent dans ces problématiques contradictoires, ces derniers incorporant de manière grandissante les commanditaires, les institutions publiques ou les acteurs économiques ; et plus largement, des acteurs pouvant avoir un intérêt à la prescription. Nous souhaitons donc interroger lors de cette séance, le rôle des chercheurs dans l’usage de cette notion d’acceptabilité, distribuée et portée par d’autres acteurs. Pour comprendre les enjeux que cristallise cette notion d’acceptabilité pour les chercheurs, il conviendra lors de l’atelier, de ne pas séparer son étude du contexte à travers lequel elle s’exprime.
Le succès de la notion d’acceptabilité sociale dans les débats sur le développement durable est en effet inséparable des difficultés et des rapports de forces que rencontrent les différents promoteurs de durabilité. Comment sont financés les projets ? Quelles missions d’expertise sont données et à qui ? Comment cette notion d’acceptabilité sociale entre en ligne de compte dans les dispositifs d’expertise ? Les acteurs sont guidés par des intérêts, des objectifs, et doivent respecter des cadres différents, parfois contradictoires. Partant, ces acteurs tentent de faire porter les contradictions auxquelles ils sont confrontés, par les autres intervenants, y compris les chercheurs. Cette sous-traitance des contradictions s’exprime à travers les modes de financement, la définition des missions d’expertise, l’élaboration de dispositifs de participation, etc.
Cadrage de la journée :
- Genèse et carrière de la notion d’acceptabilité sociale :
– Dans quel contexte est-elle apparue ? Comment a-t-elle été appliquée au développement durable ?
– Définition(s) et identification des acteurs de “l’acceptabilité” dans le contexte du développement durable (chercheurs, bureaux d’études, institutions, entreprises, etc.) : Qui utilise cette notion et dans quel but ? Quel recul ont-ils sur cette utilisation (notamment dans le cas des chercheurs) ? Quels moments, positions, situations, actions, etc. favorisent les approches critiques de ces notions ?
2. Investir de manière critique la notion d’acceptabilité et/ou élaborer des notions alternatives ?
– Le chercheur en développement durable comme acteur, traducteur, expert, conseiller, savant etc. : Quels statuts ? Quelles postures de recherche ? Quelles possibilités pour les chercheurs de porter une approche critique ?
– Quels cadres théoriques possibles pour étudier la notion d’acceptabilité sociale appliquée au développement durable (mondes, champs, systèmes, réseaux, acteurs, institutions, rapports de forces, emprise, etc. ? Quelle spécificité de l’application de la notion d’acceptabilité sociale au développement durable face aux autres modèles d’urbanisme : en quoi la nature prescriptive de l’urbanisme durable diffère-t-elle d’autres modèles ?
– Quelle est la pertinence de l’élaboration d’une notion alternative ? Quelles articulations possibles ? Quelles capacités heuristiques ?
3. Etudes de cas : Le travail de chercheurs en durabilité, de l’expertise au travail scientifique
– Le travail du chercheur en développement durable : Questions politiques et morales.
Quelles implications sociales, économiques, en termes de droit, à son travail ? Développer les possibilités d’actions ? Risquer de voir la recherche détournée de ses objectifs initiaux ?
– Capacités critiques des acteurs (mésusages, mobilisation des habitants, usagers, associations, etc.) : Comment le chercheur peut-il les prendre en compte ?
– Confrontation / articulation des échelles dans le travail du chercheur ?
Echelle temporelle : le développement durable entre « urgence climatique » et long terme (générations futures) ; entre action présente (tri de ses déchets) et projet (d’avenir, de société, etc.).
Echelle spatiale : extension de la logique d’écoquartier (prototype) à celle d’éco-cité (industrie du bâtiment), rétroaction du global sur le local, etc.
Echelle sociale : intérêt particuliers, “intérêt supérieur” (de la planète) et création du collectif.
4. Controverse :
– Les recherches sur la durabilité peuvent-elles travailler la question de “l’acceptabilité sociale” sans pour autant se traduire par une injonction qui gouvernementalise les conduites ?
– Visant l’assentiment, l’acceptabilité sociale du développement durable joue des frontières entre approbation et résignation. L’apparition de ce terme est fortement liée aux échecs récents des tentatives de transformation des comportements dits durables, peut-elle faire apparaitre de manière nouvelle les contradictions propres au champ du développement durable ?
Séances précédentes :
Innovation et comportements
Concepteurs de durabilité : des quartiers pour éco-habitants idéaux ?